Michael Gause
Les Fleuves de Paris
James Ragan
à hauteur de poitrine en
os descendus -- Dylan Thomas
Il pleut et les boulevards
de Paris sont plongés
dans les os à
hauteur de poitrine. Se confondent couramment,
dans le lai-de-pluie
díavril,
des images tels des
ormes dressés
le long de Saint-Germain
ou de Saint-Michel.
Les boulevards sont
des fleuves que le vent doit
aux reflets de vos
yeux et la lumière,
aux vitres transparentes
que le vent tisse
autour du Sacré-Coeur,
miroirs-sphères
dans le ventre arrondi
de l'imitation, claire-voie
sur l'eau
qu'effleure la mouette
seule
à son art suranné
du vol.
Le long de la Seine,
tous les trésors
des âges anciens
renferment des os,
les fluides et les
permanents,
la roche, le germe
de l'océan
la masse d'air qui,
entre des arbres jumeaux,
oscille sur le quai
Voltaire,
le souffle rauque
du vent
dans le poumon du
clochard
ravagé, fracturé
par des hurlements
poussés dans la nuit.
Près du Pont-Neuf,
les ossements de feuilles s'agitent
lorsqu'ils percent
les imprévisibles
clairs des surgissements
d'herbe.
Les os de Baudelaire
renferment des os,
pesées éternelles,
formes de chapelles
de marins aux teintes d'ocre
ombres-poèmes
telles des runes nordiques
ou ponctuations fendues
par les os de la langue
d'araignée
des écrivains.
Dans le courant de
conscience qui nous traverse
s'écoulent
les fleuves de Paris
sur les escarpements
du temps imaginé
en précipitant
dans leur chute
leurs fardeaux díimages
à l'ossature recomposée
tel le langage ou
des ailes de chauve-souris
aspirant au vol inspiré.
Cíest dans le râle
de la mort unique
díune pierre que réside
le progrès
auquel nous parviendrons
tous
avec le temps, chacun
síabattant
dans la pluie de son
souffle,
imitations du Dantesque
que font confluer
les corporels courants
dans les canaux de
Montparnasse
trempés comme
le nouveau-né et profonds comme le fleuve,
descendant des os.
(Transl. M Holm and Patrick
Haon, Language Arts Director of p h i l o p h o n e m a Nice)
© 2000 p h i l o p h o n e m a ™
The Rivers of Paris
James Ragan
'breast-deep in bones descending'
-- Dylan Thomas
It is raining and the
boulevards of Paris
are breast-deep in
bones. It is usual
for images in the
rain-lay of April
to merge like ascending
elms
down Saint Germain
or Saint Michel.
The boulevards are
the rivers wind owes
to the eyes' reflections,
light
to the panes transparent
in the domes of air
wind weaves
along Sacre Coeur,
the sphered
mirrors in the belly-up
of imitation louvred
upon the water
the lone gull skims,
antiqued
in its art of flying.
Down the Seine all
troves
of antiquity have
bones,
the fluid and the
permanent,
the rock, the sea's
seed,
the hunk of air
swinging between two
trees
along the banks of
Quai Voltaire,
the wheeze of wind
in the clochard's
lung,
shelled and fractured
by screams in the
night air.
The bones of leaves
along Pont Neuf seethe
when spearing the
unpredictable
sheers of grass growth.
The bones of Baudelaire
have bones, timeless
weights,
looms of ochre in
their bethel's shapes,
poem-shadows like
Norse runes
or punctuations, splintered
by the bones of spiders'
writerís tongues.
In all our streams
of consciousness,
the rivers of Paris
run
down the escarpments
of imagined time,
their portmanteau
of images
falling, boned together
like language
aspiring to inspired
flight.
In the single dying
of a stone's
last breath there
is progress
we will all come to
in time, falling,
each of us,
through the rain of
our breath,
imitations of the
Dantesque,
fused by the body's
currents
down the chutes of
Montparnasse,
birth-wet and river-deep
in bones descending.
(from Womb-Weary, Grove Press,
1995)
Rendez-vous
Blake Dawson
Trouvé le sanctuaire :
deux âmes vides convoitent le carrefour ;
deux vaisseaux, qui funambulent au bord de la rupture
vers le hâvre douillet d'un troquet
vu à travers la vitre en pleurs de pluie,
se cherchent.
Tends la main vers le plus profond
au-delà de toi... de nous ! Touche-moi !
Renonce à la grâce, effleuré délicat d'un doigt ;
aux lévres assoiffées, le désir est offrande
et, sur la rive du ressentir,
des joies aigres-douces dansent,
inaperçues.
La flamme d'une bougie déhanche sa lumière
contre le lent reflux rouge d'une carafe.
Toi et Moi, deux mondes séparés,
face à face autour de cette nappe
ronde à carreaux bleus
-- la marche des pions sur le damier sacrificiel --
deux flûtes effleurées, vers l'ivresse,
intouchées.
Je suis arabesque
perdu dans les tournants de l'amour.
Je tombe dans le plus ancien des puits
-- l'abîme de ton regard vert-océan --
transporté, hypnotisé, désespérèment
absent.
(Empreintes d'un Chasseur, New Legend, 2001)
Comme poète et photographe, Blake Dawson trace la géométrie
de l'existence pendant qu'il expose les facettes mulitiples de la
condition humaine. Il se nourrit du passé sans être noyé dedans,
créant un art de synthèse qui dépasse les frontières et les idéologies
rigides. Ses textes ont inspiré des compositeurs, qui les ont mis en
musique. Il vit à Paris.
Anniversaire
(de la défaite à Diên Biên Phu)
-- Suzanne Paulot
Le mois de mai est revenu
L'an passé, c'était Diên Biên Phu.
Ô mon Dieu, faites que mon gars
Ne pourrisse pas
Dans les rizières de Thanhoa.
Jamais cette tendre verdure
N'a eu un éclat aussi pur.
Jamais les fleurs n'ont brillé
D'une si éclatante beauté.
Jamais le visage des gens
N'a eu tel épanouissement.
Jamais le soleil sur la terre
N'a versé si belle lumière.
Ô mon Dieu faites que mon gars
Ne pourrisse pas
Dans les rizières de Thanhoa.
Le mois de mai est revenu
L'an passé c'était Diên Biên Phu.
(7 mai 1955)
(Source: www.dienbienphu.org)
A Paris
Michael Gause
(pour Georges Bataille)
(Traduit de l'anglais par Annick Fritz-Smead)
A Paris
Le rire de femmes ignorantes
rend cette nuit plus romantique
à Paris, où ne pas savoir est
plus beau que toutes les femmes encore vierges souriantes
dont le corps cambré relâche presque
le bruit au goutte à goutte de mon plaisir.
Alors que je suis assis, entouré, je le caresse de tous côtés à la fois.